La belle saison des fraises d’Espagne…

Le fraises d’Espagne ont de “magique d’être” disponible depuis janvier jusqu’en avril… Et ce qui est encore plus magique, c’est de voir que les consommateurs les achètent ! Alors là maintenant que les beaux jours arrivent il me semble important de faire une petite piqure de rappel pour bien expliquer à mes lecteurs préférés ce qu’ils achètent quand ils choisissent ces barquettes bon marché…

Sur une production annuelle de 330 000 tonnes de fraises espagnoles (chiffre 2006), 25 % est destiné au marché français (source douanes et Interfel). La France importe 71 % de fraises d’Espagne, soit 83 000 tonnes (chiffre 2006) et consomme annuellement 130 000 tonnes de fraises. C’est 16000 véhicules par an qui parcoure 1500 kilomètres avec leur lot de Co2

C’est autour du Parc de National de Doñana , inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, que 95 % des fraises espagnoles sont produites, sur une surface de 5 000 hectares. Avec une biodiversité exceptionnelle, cette zone humide de 100 000 ha, haut-lieu des migrations d’oiseaux, accueille la dernière population de lynx (20 individus). Or, depuis les années 80, les sites de production se multiplient de façon anarchique et pèsent lourdement sur l’environnement : utilisation massive de produits chimiques pour la préparation du sol, cultures sur sable et sous plastique, consommation massive d’eau pour l’irrigation, occupation des sols en toute illégalité.… La liste est longue des atteintes à l’environnement !

En effet, on estime que 40 % des surfaces sont cultivées illégalement et que plus d’une centaine d’hectares empiètent sur des espaces protégés. Les cultures de fraises largement irriguées par des forages, dont 50 % sont non déclarés, ont réduit de moitié les apports d’eau douce dans le marais alimenté par la rivière La Rocina et assèchent l’une des zones humides les plus remarquables de l’Union européenne. A terme, c’est la pérennité même de cette production qui pourrait être remise en question.

La plupart des producteurs de fraises andalouses emploient une main-d’oeuvre marocaine, des saisonniers ou des sans-papiers sous-payés et logés dans des conditions précaires, qui se réchauffent le soir en brûlant les résidus des serres en plastique recouvrant les fraisiers au cœur de l’hiver… Un écologiste de la région raconte l’explosion de maladies pulmonaires et d’affections de la peau.

Les fraisiers destinés à cette production, bien qu’il s’agisse d’une plante vivace productive plusieurs années, sont détruits chaque année. Pour donner des fraises hors saison, les plants produits in vitro sont placés en plein été dans des frigos qui simulent l’hiver, pour avancer leur production. À l’automne, la terre sableuse est nettoyée et stérilisée, et la microfaune détruite avec du bromure de méthyl et de la chloropicrine. Le premier est un poison violent interdit par le protocole de Montréal sur les gaz attaquant la couche d’ozone, signé en 1987 (dernier délai en 2005) ; le second, composé de chlore et d’ammoniaque, est aussi un poison dangereux : il bloque les alvéoles pulmonaires.

La saison est terminée au début du mois de juin. Les cinq mille tonnes de plastique sont soit emportées par le vent, soit enfouies n’importe où, soit brûlées sur place. Et les ouvriers agricoles sont priés de retourner chez eux ou de s’exiler ailleurs en Espagne. Remarquez : ils ont le droit de se faire soigner à leurs frais au cas ou les produits nocifs qu’ils ont respiré …

La production et l’exportation de la fraise espagnole, l’essentiel étant vendu dès avant la fin de l’hiver et jusqu’en avril, représente ce qu’il y a de moins durable comme agriculture, et bouleverse ce qui demeure dans l’esprit du public comme notion de saison. Quand la région sera ravagée et la production trop onéreuse, elle sera transférée au Maroc, où les industriels espagnols de la fraise commencent à s’installer. Avant de venir de Chine, d’où sont déjà importées des pommes encore plus traitées que les pommes françaises…

Bon appétit !

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